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Minaret

Leila Aboulela

26 décembre 2020

Article rédigé par Meriyem KOKAINA

Jamais...Oh jamais je n’aurais pensé et pourtant.. c’est ma vie, la vie dont je n’avais jamais rêvé mais dont je me contente et qui, m’apporte une certaine sérénité insoupçonnée.​

Si je devais résumer ce livre en quelques mots, c’est certainement par cette précédente phrase.

Dans cette intrigue, Leila Aboulela, nous raconte l’histoire de Najwa, une jeune soudanaise qui faisait partie de l’élite de son pays et qui devient par la force des choses une domestique.

Najwa, est une jeune étudiante à l’université de Khartoum aux rêves innocents et sans grande ambition.

“Je faisais des études pour tuer le temps, en attendant de me marier et d’avoir des enfants. Je pensais que c'était la raison pour laquelle toutes les filles étaient là”.

Mais c’est dans cette université où elle se confronte à certaines réalités insoupçonnées. Dans son quotidien doré et occidentalisé, elle ne réalisait pas l’effervescence qui prenait vie au sein du peuple soudanais.

Dans son innocence persistante, Najwa ne saisissait pas les enjeux que cela suggérait.

“Ce ne te choque pas une telle disparité de niveau de vie, ça ne te parait pas mal ? Il y a la famine à l’Ouest. Ce pays est l’un des plus pauvres du monde”.

Elle vivait dans un monde qui faisait office de norme pour elle. Telle était faite son éducation et elle devait s’y résoudre. Elle faisait partie de l’élite et ne devait pas se mélanger au peuple, aux autres, dont elle faisait partie sans faire partie.

“Il y a des règles, me répétait sans cesse mama, tu ne peux pas faire de la charité de manière impulsive, on te méprisera, on te prendra pour une folle”.

Mais ce monde élitiste dont elle faisait partie s’effondra en une nuit lorsque les cloches du coup d’Etat ont sonné, prenant en offrande le vie de son père, pendu par les révolutionnaires.

“Puis baba a été pendu. Alors la terre s’est ouverte et nous sommes tombés dans un gouffre sans fond. Nous pensions tomber ainsi pour l’éternité, ne jamais retrouver la terre ferme. Comme si ce gouffre infini et nos hurlements déchirants étaient notre châtiment.”

Ceci marquera le tournant de sa vie, une vie qu’elle pensait toute tracée.

Fuyant un pays qui était le leur, mais qui ne voulait plus d’eux pour ce qu’ils représentaient, ils n’avaient d’autres choix que de se réfugier en terre britannique, celle qui les avait dépossédé de leur terre soudanaise il y a quelques années.

Elle mettra du temps à réaliser l'enchaînement de ces événements qui ont provoqué un nouveau bouleversement dans l’histoire du Soudan, mais aussi dans sa vie. Elle avait du mal à comprendre l’exil dont elle devait se contenter.

“Mais j’avais été meurtrie par la révolution, elle avait tué mon père et ne lui avait même pas fait l'honneur de durer plus de 5 ans”.

Pour seuls compagnons dans cet exil, sa mère, prise par la maladie et son frère Omar qui depuis son plus jeune âge avait décidé d’épouser la culture occidentale dénigrant la soudanaise coulant pourtant dans ses veines.

Pour mon frère, tout ce qui était occidental était forcément meilleur que tout ce qui était soudanais.

De nature rebelle, ses transgressions le mèneront tout droit aux portes de la prison, sensée expier ses mauvais comportements. Elle se retrouvait donc seule, seule à affronter le monde.

Dans cette nouvelle solitude, elle trouve refuge au sein de la communauté musulmane de Londres qui l'accueille à bras ouverts. Elle comprend que la jeune Najwa qu’elle était à l’université de Khartoum n’existe plus. C’était une nouvelle personne qui devait trouver une nouvelle place dans l’environnement qui l’entourait.

Elle était jeune, belle, populaire, riche. Elle était devenue seule, âgée et devait subvenir à ses besoins. C’est ainsi qu’elle devint domestique au sein d’une famille soudanaise de Londres, travail qu’elle trouva grâce à l'aide de la communauté musulmane devenue sa nouvelle famille.

C’est au sein de la famille qu’elle servait qu’elle rencontre Tamer avec qui un bourgeon de relation pudique, renforcé par leur amour pour la religion musulmane, naît. Mais cette relation, malgré sa force, n’éclora pas à cause de l’âge les séparant, lui étant plus beaucoup plus jeune qu'elle et celle-ci ne voulant être un frein à ses ambitions futures.

“Peu importe l’amour que vous portez à une personne, elle mourra. Peu importe que tu sois en bonne santé et nantie, rien de garantie qu’un jour tu ne perdras pas tout.”

Un récit poignant, qui nous fait réfléchir sur la versatilité de la vie et aux épreuves qu’elles nous réserve tant douloureuses et incomprises qu’elles soient. Un récit fluide et agréable à lire qui nous apprend la résilience et surtout que malgré les difficultés, nous pouvons toujours trouver le chemin vers une certaine sérénité intérieure tant que nous apprécions la vie pour sa vérité et sa simplicité.