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Les "Rebelados" du Cap-Vert

Un peuple qui lutte toujours pour préserver son identité

28 mars 2022

Sur l’île de Santiago, sur la route de Praia menant vers Tarrafal, se trouve un petit village qui vous fera oublier la tranquillité du paisible Cap-Vert. Ce village est celui des dits « Rebelados » autrement dit, des rebelles. Nichés dans les hauteurs du village d’Espinho Branco, ils ont gardé le même mode de vie depuis plusieurs siècles. Depuis 1940, ils sont farouchement opposés à toute intrusion extérieure, assumant pleinement de vivre en marge de la société. C’est cette histoire que je vais vous raconter aujourd’hui. 

 

Histoire

Le Cap-Vert est un archipel qui a été découvert au XVe siècle par les Portugais et qui était dit vierge de toute vie humaine. Très vite, il est devenu un point clé pour le commerce triangulaire. Des millions d’Africains mis en captivité passaient par cette terre. D’autres étaient voués à y rester. Comme dans toutes les entreprises esclavagistes et colonialistes, des missions évangélistes y ont été déployées pour convertir tous les captifs au christianisme. Le Cap-Vert n’y échappa pas. 

Le 29 octobre 1910, Marinha de Campos a été nommé gouverneur de la province du Cap-Vert. Il prend ses fonctions le 14 novembre 1940 et son mandant ne durera que 4 mois. Marina de Campos était un républicain farouchement opposé à Franco et, sans secret, anticléricalisme. Il n'hésite pas, dès son arrivée sur l’île de Santiago, à démanteler les structures religieuses, notamment l'Institut C.Manuel II de Tarrafal. Avec les années, le manque de prêtres dans la région commençait à se faire ressentir. Par conséquent, des prêtres capverdiens ont été formés par ce qu’il restait de pouvoir ecclésiastique, pour combler la longue période de vacance qui s’ouvrait. 

Mais en 1940, le Portugal décide d’envoyer au Cap-Vert une délégation religieuse qui remonte cette problématique au Vatican. La décision d’y mettre fin est prise. 

Cependant depuis les trente-six dernières années s’étaient établis des prêtres locaux qui avaient développé leurs propres us et coutumes, que ce soit au sujet de leur habillement ou sur le fait d’avoir une famille et non de se soumettre au célibat. Tout cela n’était pas au goût de l’Église qui commença à les persécuter afin de les soumettre de force. 

De là naît la révolte des habitants, qui au fur et à mesure de leurs actions et ripostent, se font appeler les Rebelados. Afin d’échapper aux ripostes des autorités ecclésiastiques et administratives, ils font le choix de se cacher dans les lieux les plus reculés de la région. 

Les Rebelados sont en groupe social qui depuis les années 1940 luttent pour la préservation de leur identité, qu'ils défendent bec et ongles, quitte à limiter au maximum les interactions avec les autres populations de l'île. 

 

Et aujourd'hui ?

 

Aujourd’hui, il existe toujours des communautés de Rebelados à Espinho Branco, Bacio, Monte Santo et Palha Carga, Espinho Branco étant la plus grande de toutes. 

Depuis, ils n’ont cessé de mener cette lutte silencieuse, préférant vivre en autarcie totale. Leur dernier prêtre, mort en 1960, leur a fait promettre de ne jamais renoncer à leur croyance.  Depuis le XVIIe siècle, leur mode de vie est resté inchangé. Les maisons sont construites avec des matériaux naturels comme des feuilles, des troncs d’arbres et des cordes en sisal. Ils se soignent aussi grâce aux plantes. 

Depuis peu, les Rebelados ont commencé à s'ouvrir au monde extérieur et à scolariser leurs enfants. 

Cette communauté, désormais révélée, suscite beaucoup de fascination, notamment des artistes. Misa Kouassi un artiste peintre du pays a proposé aux Rebelados d’initier leurs enfants à la peinture. Cela engendrera la création d’un petit atelier dans le village qui sera nommé «  Rebelarte », qu’il est possible de visiter. 

Misa Kouassi ne s’est pas arrêté à l’art. À force de conviction, elle a permis l’installation de l’eau mais aussi d’une cuisine, d’un atelier de céramique et la mise en place de jardins en permaculture. Elle a aussi œuvré à la mise en place d'infrastructures comme l’électricité, une école et un dispensaire afin de faciliter la vie quotidienne des Rebelados, sans toucher à leurs valeurs et croyances.

En 11 août 2005 le village a été nommé « premier village de l’art traditionnel du Cap-Vert ».

Les Rebelados ont payé le prix fort de leur liberté de pensée et aujourd’hui y restent attachés, rendant encore plus admirable et fascinante leur lutte silencieuse et toujours aussi déterminée.