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Les appels du vaudou

Olympe Bhêly- Quenum

12 mai 2021

Article rédigé par Oumou Wele

Les appels du Vaudou est un roman écrit en 1994 par l’auteur aux nombreuses œuvres, Olympe Bhêly- Quenum. Il a dédié nombreux de ses ouvrages aux religions africaines, notamment le Vaudou. C’est à une de ces œuvres majeures que les lignes suivantes sont dédiées. 

Cette intrigue a un air d’autobiographie car en effet, le personnage principal s'appelle Agblo Tchikôton, ce qui ne sont autres que les prénoms et noms véridiques de l’auteur.

 L’histoire s’ouvre sur une scène ordinaire de la vie d’une dame âgée appelée affectueusement ” Grand Maman” mais aussi « La Vieille Fiancée » ou Vicédessin par moment  (notons ici le jeu de mots choisi par l’auteur).  Grand Maman est ainsi  installée dans la véranda et se laisse emporter par ses souvenirs. Elle nous parle des lieux de son enfance, de sa préférence au cours d’eau le Hé plutôt qu’au fleuve Nokwé. Et elle nous embarque également dans l’arbre généalogique de sa famille. On comprend qu’elle est issue, et également, ancêtre d’une grande famille, haut placée dans la société, de par son rang social mais également de par sa pratique de la religion et de la place que tient le Vaudou dans sa vie. 

Une partie de cette grande famille n’est pas sur le sol africain : le fils de cette Grand Maman, Agblo Tchikôton, affectueusement appelé son “fiancé” , s'est installé et vit en France, en banlieue parisienne. Il est marié à Georgette, est père de 4 enfants et papy d’une petite-fille.

 Agblo a également une sœur dont il est très proche, Gbéyimi, qui est la seule autre enfant de Grand Maman. Ils sont cependant 36 frères et sœurs, en prenant en compte les enfants de leur père.

L’intrigue est subitement lancée lorsque nous comprenons que Grand maman est décédée, à l’âge de 78 ans. Nous sommes un peu pris dans la confusion à la lecture de cet événement. Cette confusion nous la percevons à travers le regard de Toinou, un proche de la famille qui la voit saluer Yaga, Akpoto et Tannyi Bonin, les trois décédés il y a déjà quelques décennies. Au même moment, Agblo, vivant donc en France, commence à fredonner des chants vaudou que sa mère, grande prêtresse Vodou, chantant lorsqu’il n’était qu’un petit garçon. Subitement, son téléphone sonne : on lui annonce la mort de sa mère. Sa réaction est curieusement impressionnante. Il ne pleure pas la mort de sa mère. La culture dans laquelle il a baigné lui aura appris que la mort n’est pas une fin, mais l’accès à une nouvelle forme de vie. Grand maman va rejoindre “ La cour des ancêtres”. 

©francesco.dellanoce

Débute alors le récit de la vie de sa mère, cette grande prêtresse, qui aura dédié sa vie à la pratique de cette religion. Le narrateur, nous conte les débuts de sa mère, depuis son chevauchement et sa possession par le Vodou, alors que lui n’avait que 10 ans, jusqu’à ses obsèques. Rien n’est mis au hasard, pratiques et chants vodous sont décrits dans les moindres détails. 

Chose intrigante dans ce récit, c’est que nous passons en un clin d'œil du monde visible au monde invisible. Les interactions entre ces deux dimensions du réel sont présentées comme naturelles et évidentes. Ainsi, nous continuons de suivre les péripéties de Grand Maman par delà la mort : 

« C’est bien ainsi, c’est toi qui va m’enterrer. Tu es venu mon cœur s’en réjouit. Agblo, mon fils … je le répète : C’est toi qui me mettras dans le cercueil. Sois vigilant, n’aies pas peur » 

Agblo sera chargé des obsèques de sa défunte mère, obsèque qui suivent les traditions de la religion Vodun. Il aura baigné dans cette culture mais également dans la religion chrétienne. Il n’en réfute ni l’une ni l’autre. 

“Chrétien, je le suis(...); mais je ne blâme ni ne juge les confréries animistes ou païennes, authentiquement de chez nous et qui, je dirais, nous font toucher comme du doigt les réalités du tissu de notre terre.”

La lecture de ce roman peut se révéler difficile de part son écriture : les personnages apparaissent dans le récit, sans avoir été ni annoncés, ni présentés. C’est donc au lecteur de faire un travail de « recherche » pour comprendre les différents liens. 

De plus, nous sommes ici confrontés à des notions culturelles, religieuses et linguistiques, qu’au aurait du mal à saisir, nous même, n’étant pas en connaissance de ces éléments nouveaux. Beaucoup de textes et de chants ne sont pas traduits, rendant parfois difficile la compréhension générale de certains passages. 

©Dan Kitwood

L’intérêt de cette lecture est de réaliser une plongée dans le quotidien des pratiquants du Vodou, libérés des clichés associés à cette pratique religieuse. Nous rentrons dans sa complexité à travers ce récit richement détaillé. 

 J’encourage cependant avec une forte conviction les lecteurs à poursuivre la lecture.  A ne pas se laisser décourager par les quelques difficultés linguistiques, et à s’accrocher, afin de découvrir un univers complexe, différent et plein de sagesse.