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Le naufrage de l'hippopotame

bAMAKO, JUILLET 2020

12 juillet 2020

Le livre que je regarde avec insistance aujourd’hui est de nature particulière. C’est le livre de mon identité, le livre qui me donne reconnaissance et liberté. Le livre qui décline d’où je viens, et, des signes qu’il contient, fait part à ceux qui l’ouvrent des finesses culturelles dont il se fait symbole. Ce livre est tout simplement mon passeport malien. Un pays, une nation, une devise. J’ai toujours porté ma citoyenneté avec beaucoup de fierté et pour preuve, ait souvent usé de son utilisation dans beaucoup de mes voyages, car autant je voulais être associée à cette identité qui avait sens, et était forte pour moi.

Le Mali est un pays héritier d’un grand empire du XIIIe siècle dont il a repris le nom après que l’époque coloniale lui en ait choisi un autre : le Soudan Français. Des héros de l’Empire et des héros de la nation, le Mali n’est pas en manque et en compte de nombreux. De Soundiata Keita à Modibo Keita, le Mali célèbre, ceux qui lui ont donné force et prestige dans le paysage politique et culturel. Cependant, le Mali est passé de grand Empire à État de ruine. Difficile de voir cette réalité en face, tant on veut croire à une utopie qui peine à venir. Difficile de se dire, que l’amour que l’on a pour son pays ne suffit pas toujours, difficile de reconnaître ceux qui portent réellement et sincèrement de la considération pour ce pays, et ceux qui le prétendent avec une finesse théâtrale impressionnante.

Modibo Keita

© maliweb.net

Un peuple, un but, une foi

Un peuple, qui ne lui reste plus que la survie comme but et foi comme abreuvoir.

Je reste sur ma position: Mali a kani ( le Mali est bon) et ne changerai jamais d’avis.

Le peuple malien est bon car il se connaît, connaît ses difficultés et connaît ses potentialités mais le peuple malien est laissé à l’abandon, dans un territoire à l’abandon. Il n'y a pas terre où je me sens aussi apaisé qu’au Mali, le seul endroit où je peux voir les étoiles briller dans un ciel sombre, le seul endroit où je peux trouver sérénité en regardant le baobab immuable qui a été témoin des générations de mes aïeux, et le seule endroit où baigne une profonde sincérité dans le regard des gens et familles qui m’ont accueilli. Mais quel dessein dans une terre que l’on prive de dessein, de dignité et de respect. Il faudra cesser d’insulter l’intelligence de toute une nation.

Comment prétendre aimer une nation lorsqu’on la prive de tout élément d’épanouissement, toute opportunité, toute décence de vie. Comment prétendre avoir de l’ambition pour un peuple lorsqu’on le prive de tout rayon d’espoir. J’aime ce pays comme j’aime un parent, et vis mal son naufrage.

Quel but prétendre à un pays où les fondations se font ruines.

Où se voir un but lorsque la survie prime, où la régression se prétend développement ?

Aujourd’hui 12 juillet 2020, le Mali vit une révolution car accepter le statu quo n’est plus une solution. La ligne rouge a été piétinée et enfouie dans le sol devenu rouge tout entier.

Dans le contexte, politique et géopolitique actuel, la réponse de la rue était bien prévisible. Le Mali est depuis de longues décennies, un terrain de jeu pour beaucoup où l’on prétend apporter pour mieux dérober, mais la mascarade est désormais lourde de portée. Un terrain de jeu, où l’ensemble des citoyens maliens sont mangés à différentes sauces mais eux laissés pour affamés.

J’ose penser que l’amour d’une nation peut faire renaître le Mali de ses cendres. J’ose espérer que la grande nation malienne n’est pas à oublier mais qu'elle est en train de changer. Les héros de la nation malienne sont par milliers mais quand regagneront-ils leur place méritée ?

Mon objectif n’est pas de lister l’ensemble des problématiques et d’y associer les solutions potentielles, car ces deux sujets sont bien connus et étudiés. Mon objectifs est de rappeler que les enfants du Mali portent et porteront toujours leur pays, de près ou de loin pour ne jamais laisser place au naufrage qu’on lui prédit.

Un espoir qui ne quittera jamais mon esprit, tant ces mots, chers à mon coeur ne cesseront de résonner.

“ Une autre Afrique est possible dans un ordre mondial plus juste et solidaire. Nous en sommes tous et toutes les artisans”. Bamako, le 23/12/2019 - Aminata Traoré